L’affectivité, moteur essentiel des conduites motrices :

L’article « L’affectivité, clef des conduites motrices » de Pierre Parlebas remet en question une conception trop rigide héritée de Jean Piaget, qui dissociait la dimension affective de la dimension motrice et cognitive dans l’action humaine. Parlebas propose une approche intégrée : les émotions, la perception et le geste sont profondément intriqués dans toute conduite motrice. L’affectivité ne se limite pas à déclencher une action, elle façonne son déroulement et sa structure même.

La perception et l’affectivité dans l’action motrice
Ainsi, la perception est toujours teintée d’attentes, de peurs ou de désirs, qui modifient la manière dont le corps se meut. La décision motrice en contexte d’incertitude ne se fonde pas uniquement sur des schèmes rationnels, mais sur une évaluation affective de la situation. Cette imbrication explique notamment certaines résistances au changement technique, comme l’illustration du ski alpin où un geste « rassurant » mais inefficace tend à réapparaître sous stress.

Une pédagogie globale et signifiante
L’approche pédagogique proposée par Parlebas valorise les situations d’apprentissage globales, signifiantes et porteuses d’émotions. Il s’agit d’éviter les découpages mécaniques pour favoriser une expérience cohérente, où le sujet peut s’adapter et transférer ses compétences dans des contextes variés. L’intelligence motrice, dans cette perspective, repose autant sur la gestion des affects que sur la maîtrise technique, comme le montre l’exemple de la plongée sous-marine.

L’incertitude et la sociomotricité dans les jeux collectifs
Un autre aspect fondamental est l’incertitude et la sociomotricité dans les jeux collectifs : l’interaction avec des partenaires ou adversaires rend l’action motrice imprévisible et émotionnellement chargée. Cette dimension affective et relationnelle est indissociable de la dynamique corporelle.

Lien avec l’approche d’EnVies EnJeux
Ces apports rejoignent certaines démarches actuelles en animation et pédagogie coopérative, telles que celles portées par EnVies EnJeux. En favorisant des expériences motrices collectives où l’émotion et la relation sont pleinement reconnues, ces approches encouragent la construction de liens solides, la coopération spontanée et la confiance entre participants. Le corps devient un vecteur d’expression et de compréhension mutuelle, au-delà des seules stratégies formelles.

Perspectives pour la pédagogie du mouvement et du sport collectif
Considérer l’affectivité comme constitutive des conduites motrices ouvre des perspectives pour enrichir la pédagogie du mouvement et des sports collectifs, notamment dans la formation des compétences sociales et la création d’un esprit d’équipe authentique et durable.

Praxéologie motrice et jeux coopératifs, une complémentarité pour une action collective riche de sens

Présentation de la praxéologie motrice
La praxéologie motrice, discipline fondée par Pierre Parlebas, étudie l’ensemble des conduites motrices humaines en insistant sur leur nature sociale, cognitive et affective. Elle dépasse la simple analyse technique des mouvements pour considérer les interactions et les significations portées par l’action dans un contexte donné.

Les jeux coopératifs au cœur de la praxéologie motrice
Dans cette perspective, les jeux coopératifs représentent une forme particulièrement intéressante de pratiques motrices. En effet, contrairement aux activités sportives compétitives classiques, les jeux coopératifs privilégient la solidarité, l’entraide et la construction collective d’objectifs. Cette dynamique s’inscrit pleinement dans l’idée de praxéologie motrice où l’action ne se réduit pas à un geste isolé, mais est comprise comme une réponse intégrée à une situation sociale et émotionnelle complexe.

La sociomotricité dans les jeux coopératifs
Les jeux coopératifs mobilisent la sociomotricité, c’est-à-dire la capacité à interagir motrice- ment avec d’autres individus en tenant compte de leurs intentions, émotions et stratégies. Cette dimension sociomotrice est au cœur de la praxéologie motrice, qui insiste sur l’importance des interactions corporelles signifiantes.

L’incertitude, l’affectivité et la coopération spontanée
De plus, dans les jeux coopératifs, l’incertitude et la variabilité des situations encouragent les participants à développer des réflexes de coopération spontanée, à ajuster leurs comportements en fonction des réactions des partenaires et à construire collectivement des solutions. Ces processus sont nourris par l’affectivité, car les émotions partagées (confiance, joie, frustration) influencent directement la qualité des interactions et la réussite collective.

Enjeux psychosociaux et pédagogie intégrée
Ainsi, la praxéologie motrice offre un cadre conceptuel pour comprendre comment les jeux coopératifs permettent non seulement d’améliorer les habiletés motrices, mais aussi de renforcer la cohésion sociale et la communication non verbale. Par cette approche globale, l’activité physique devient un moyen de développer des compétences psychosociales essentielles : écoute, respect, entraide, gestion des émotions et prise de décision collective.

Conclusion : vers des pratiques motrices porteuses de sens
Intégrer cette réflexion dans les pratiques d’animation, de formation ou d’entraînement sportif ouvre la voie à des expériences motrices riches de sens, où l’affectivité et la coopération ne sont pas des obstacles, mais des leviers puissants pour l’apprentissage et la solidarité.

Chloé di Cintio, 30 Juin 2025