Bilan Animation debriefing

Le debriefing du jeu comme outil d'éducation populaire

Pour se former à l’animation de debriefings, découvrez la formation “Du jeu au développement des postures et pratiques coopératives” ou la formation “Accompagner avec les cercles de parole”

« Les gens n’apprennent pas de leur expérience, ils apprennent en réfléchissant à cette expérience » Thiagi

« Personne n’éduque personne, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde » P. Freire.

Le debriefing du jeu est cette situation de communication collective qui suit un temps de jeu partagé. Considérer le jeu […] comme outil de sensibilisation, vecteur d’engagement vers une transformation sociale, suppose de trouver les dispositifs propices aux prises de conscience ( clarifier le lien entre prise de conscience – engagement – transformation sociale).

Ces qq pages visent à comprendre ce qui se joue à travers l’activité de debreifing du jeu utilisé dans une perspective d’éducation populaire.

Introduction :

Et si le jeu était une ouverture plutôt qu’un moment clos sur lui-même ?

L’objet ludique est pris depuis très longtemps dans cette tension indépassable entre un jeu libre et gratuit et un jeu intéressé qui vise certains objectifs.

Cette recherche […] prend le pari d’explorer le phénomène ludique non pas en lui-même […] mais en lui ajoutant […] un moment postérieur qui lui confère une toute autre dimension. […] Le debriefing

Déjà chez Platon au Ive siècle avant JC, on trouve la mention d’un jeu utile pour l’éducation des jeunes enfants, un jeu sérieux qui élève l’âme, une conjonction de paideia (en grec ancien, la bonne éducation), et de paidia (jeux d’enfants) […] Toute une tradition éducative s’est appropriée le thème du jeu comme moteur d’une bonne éducation de l’antiquité grecque en passant par Érasme, les romantiques du XVIIIe siècle, Rousseau en tête. […]

Mais une autre vision du jeu tend à penser le jeu comme acte purement frivole, gratuit, sans autre but que lui-même. […] Nous partirons du postulat que le jeu est polymorphe et que son essence ne réside pas tant dans sa structure, ni dans l’intention qui le fait émerger, mais davantage suivant les travaux de Jacques Henriot, dans « l’attitude mentale propre à celui qui joue ». La situation ludique naîtrait de la rencontre entre un dispositif, entre un « game » et un « play ». […]

Phénomène de debriefing : temps de retour sur. […] Un groupe qui vient de vivre une situation partagée […] est mis en situation de parler de ce qui s’est passé, de revenir a posteriori sur la situation. […] Son principe est homogène, son usage est varié. Le jeu devient alors un point de départ, un commun, le support de discussion, et s’opère un glissement métacognitif, passant du « second degré du jeu » au « premier degré de la vie quotidienne ». […] Le debriefing […] est considéré comme partie prenante de dispositifs qui visent certains objectifs d’apprentissages, d’efficacité ou de cohésion de groupe par exemple. […] Le debriefing […] pourrait modifier en profondeur la structure de l’activité ludique. […] On entrevoit une distorsion temporelle du phénomène ludique qui, dans sa dimension formelle, sort du pur présent pour se construire tourné vers l’avenir. 

Cette recherche est située par une tentative de concilier le ludique avec une dimension politique, prise au sens large comme réflexion sur les conditions et l’organisation du vivre-ensemble.

La question est de savoir quels usages sont fait par les animateurs de l’outil debriefing dans une perspective d’éducation populaire.

La notion de debriefing

Étymologie

[…] Briefing : peut se traduire en français par exposé, résumé, et désigne un discours qui précède une action. Le briefing anticipe l’action brièvement. Le mot brief est issu du terme français bref (court, succin, concis, laconique). […]

L’ajout en anglais du suffixe -ing intègre cette action à la dimension discursive et informative. Transmettre rapidement et efficacement des informations avant une action.  […]

Le préfixe dé- est utilisé ici pour désigner ce qui vient après. Ainsi le briefing est ce qui vient avant, et le debriefing est consécutif à l’action.

Domaines d’usage

Le secteur militaire fut l’un des premiers à utiliser de manière systématique le couple briefing/debriefing et notamment l’armée de l’air pendant la première et seconde guerre mondiale. L’armée française parle aujourd’hui de RETEX acronyme de « retour sur expérience »

On voit depuis les années 70 que la notion prendre son essor dans le secteur psychologique. En psychothérapie, le debriefing est une méthode d’accompagnement des patients cherchant à atténuer les séquelles psychologiques. […] « Ce travail thérapeutique permet ce que l’on appelle l’abréaction, c’est à dire une décharge des émotions, puis la verbalisation de ces émotions, ce qui permet de se libérer de l’évènement responsable » (Annick Ponseti-Gaillochon, le debriefing psychologique) […] Dans un groupe, la libération collective de la parole permet de dédramatiser et de susciter un partage empathique […] Plus la prise en charge est proche de l’événement, plus elle permet de se débarrasser des images traumatiques. […] Cette méthode de debriefing revêt un caractère rigoureusement thérapeutique et tend vers une dimension purement émotionnelle. […]

 

On peut voir apparaître une ligne de tension entre le debriefing d’analyse objectif qui […] se concentre […] sur le déroulement des événements […] et le debriefing émotionnel inter/intra-subjectif […] qui verbalise les émotions pour atténuer leurs effets pathogènes.

[…] Le couple briefing/debriefing infuse aujourd’hui dans le vocabulaire courant. […] L’importance croissante du travail collaboratif, de la place des ressentis individuels de l’apprentissage par l’expérience et surtout de la communication entre tous les acteurs d’un projet engendre le développement de nombreux outils et méthodes pour faciliter ces dynamiques. […] car il importe pour toute situation de travail collectif de trouver les moyens de tendre vers plus d’horizontalité et de prise en compte des individualités au sein du groupe.

Les composantes du debriefing

Plusieurs dimensions essentielles, plusieurs caractéristiques en font une activité spécifique.

  • la dimension temporelle: le moment du debriefing est temporellement limité et excède assez rarement la durée de l’activité elle-même. Le debrief peut s’opérer immédiatement après l’action : à chaud,  ou plus tard à froid. Le premier est plus axé sur la dimension émotionnelle le second peut bénéficier d’un recul cognitif permettant d’affiner l’analyse objective de la situation (bien que cela puisse poser des problèmes de mémoire auxquels il est possible de pallier par prise de note, etc.)
  • la communication : […] l’enjeu est d’exprimer, d’extérioriser quelque chose qui ne pouvait pas l’être pendant l’action. De nombreuses théories ont tenté d’éclaircir ce qui se joue à travers le processus de communication : Palo Alto, sciences cognitives, sciences de la communication, linguistique, etc. Le debriefing est donc conditionné par la capacité de communication des participant-e-s, son émergence est possible chez tous les publics qui parviennent à rester plusieurs minutes à échanger, à écouter, à s’exprimer.
  • La communication du debriefing implique un cadre, une méthode à laquelle les participant-e-s adhèrent volontairement. C’est pourquoi on voit bien souvent émerger dans le groupe une posture d’animateur-trice qui va avoir une fonction de facilitation et permettre aux échanges de gagner en qualité. Ce rôle d’ animateur-trice assure l’écoute et les respect de ceux qui s’expriment. Il permet également de suivre une trame ou un déroulé précis et de gagner ainsi en efficacité. Guider le groupe à l’aide d’une série de questions. Les questions sont le moteur du debriefing, c’est ce qui permet aux particpant-e-s de structurer leur réflexion et d’instaurer une adéquation car chacun s’exprime avec un point de départ commun. Les questions, souvent simples laissent le champ libre à l’expression des subjectivités, des ressentis, des analyses. Il peut aussi arriver qu’elles soient précises et s’attachent à décrypter finement un moment de l’activité.
  • A partir de l’action les questions du debriefing vont de manière récurrente porter sur le ressenti subjectif des participant-e-s. « Comment vous sentez-vous ? » est une question fréquemment posée. Il est souvent difficile d’exprimer finement ses ressentis intérieurs et le cadre de facilitation posé par l’animateur revêt ici toute son importance. Un climat de bienveillance, de non-jugement, et d’écoute active sont essentiels pour permettre une expression émotionnelle plus authentique. Extérioriser ses émotions permet d’apaiser et de se faire comprendre (comme dans la méthode médico-psychologique). Et la compréhension des divergences de ressentis peut-être une source précieuse d’apprentissages. Le temps de debriefing suppose souvent le passage par l’émotionnel mais ne s’y restreint pas.
  • Analyse de l’action : compréhension de ce qui a fonctionné ou non. Le but recherché est ici l’efficacité : comment faire mieux pour la prochaine fois. Une situation d’échec peut avoir de la valeur si elle est bien analysée et si le groupe parvient à en tirer des apprentissages. Cette analyse est résolument tournée vers la suite, l’après et cherche à extraire des enseignements, à conserver des traces.
  • Verbaliser un apprentissage participe d’un processus de métacognition entendue comme capacité à prendre conscience de ses propres processus mentaux. La métacognition est un processus introspectif et le debriefing est très propice à son apparition et son partage au reste du groupe. Parfois le débriefing vise explicitement le déclenchement de processus métacognitifs, voire d’épiphanies (compréhension soudaine de l’essence ou de la signification profonde de quelque chose » Larousse) et s’appuie sur l’idée que l’acquisition d’un savoir s’ancre bien mieux si la personne conscientise ce qui lui a permis de l’intégrer (question des conditions favorisantes). On peut en outre envisager l’exercice du debriefing comme étant lui-même un apprentissage et une accoutumance au processus de métacognition. (cf citation d’ouverture de Thiagi)

Debriefing : moment qui suit une action, immédiatement consécutive ou non, pendant lequel un groupe, guidé par les questions et le cadre proposé par un-e éventuel-le animateur-trice, communique à partir de ce qui vient d’être vécu. Le debriefing, à partir du retour collectif sur le déroulé des événements, peut prendre une dimension subjective et émotionnelle, objective et analytique, ou encore chercher à susciter des apprentissages et processus métacognitifs utiles pour la suite.

 

Leeo Moure

 
 
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